Misère
Hommes, femmes, vieillards enfin,
Tous ces vains chercheurs de problèmes
Souffrent du froid et de la faim;
Aussi les petits enfants blêmes.
5 Le désespoir vient les saisir;
lui tout seul qui les enseigne,
Et toujours le cruel Désir
Mord leur chair qui pleure et qui saigne.
Ils vivent dans l'oubli hideux,
10 Sans que jamais rien y fleurisse.
Mais qui donc aura pitié d'eux?
Misère, la bonne nourrice.
Cet Ange au gosier enroué,
Réchauffant leur lèvre livide,
15 Met sur eux son châle troué
Et leur tend sa mamelle vide.
1er décembre 1883.
II
Lili
La pauvre petite Lili
Cherche en vain les rêves magiques
Envolés de son front pâli,
Et lève au ciel ses bras tragiques.
5 Si le frisson du désespoir
S'agite dans sa main crispée
Et fait flamber son grand oeil noir,
a tué sa poupée.
Oui, Petit Paul, un sacripant,
10 Hier a massacré Zéphyrine
Dont la tête est brisée, et pend
Horriblement sur sa poitrine.
Elle est froide comme un glaçon;
Et vainement le rentre,
15 Toujours on voit sortir le son
Par la blessure de son ventre.
1er décembre 1883.
III
Le Prêtre
Le prêtre blême, dont les loups
Ne voudraient pas pour nourriture,
Est maigre comme un cent de clous,
Et semble une caricature.
5 Donnant son dernier sou,
Il n'est vêtu que loque.
On le prendrait pour un chien fou,
Et sa soutane s'effiloque.
Pourtant son front est plein de jour,
10 Et sur cet être misérable
Voyez! le radieux amour
A mis sa lumière adorable.
Et, doux, il rit aux cieux bénis,
Quand le soleil, au crépuscule,
15 Vient empourprer les poils jaunis
De sa perruque ridicule.
1er décembre 1883.
IV
L'Épouse
Par un soir de Juillet, au Bois,
Sous la douce brise estivale,
L'Épouse trompée, aux abois,
A ...
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