Les Contemplations
Victor Hugo
AUTREFOIS. -- 1830-1843
Cinquième édition
1858
Si un auteur pouvait avoir quelque droit d'influer sur la disposition
deslecteurs qui ouvrent son livre, des
Contemplations se bornerait à dire ceci: Ce livre doit être lu comme
on lirait le livre mort.
Vingt-cinq années sont dans ces deux volumes. Grande mortalis oevi
spatium. L'auteur a laissé, pour ainsi dire, celivre se faire en
lui. La vie, en filtrant goutteà goutte à travers les événements et
les souffrances,déposé dans son coeur. Ceux qui pencheront
retrouveront leur propre image dans cette eau profonde et triste, qui
lentement amassée là, au fond âme.
Qu'est-ce que les Contemplations? ce pourrait appeler,
si le mot quelque prétention, les Mémoires âme.
Ce sont, en effet, toutes les impressions, tous les souvenirs, toutes
les réalités, tous les fantômes vagues, riants ou funèbres, quepeut
contenir une conscience, revenus et rappelés, rayon à rayon, soupir à
soupir, et mêlés dans la même nuéesombre. l'existence humaine
sortant de l'énigme du berceau et aboutissant à l'énigme du cercueil;
un esprit qui marche de lueur en lueur en laissant derrière lui
la jeunesse, l'illusion, le combat, le désespoir, et qui
éperdu -au bord de Cela commence par un sourire,
continue par un sanglot, et finit par un bruit du clairon de l'abîme.
Une destinée est écrite là jour à jour.
Est-ce donc la vie homme? Oui, et la vie des autres hommes
aussi. Nul de nous d'avoir une vie qui soir à lui. Ma vie
est la vôtre, votre vie est la mienne, vous vivezce que je vis; la
destinée est une. Prenez donc ce miroir, et regardez-vous-y. On se
plaint quelquefois des écrivains qui disent moi. Parlez-nous de nous,
leur crie-t-on. Hélas! Quandje vous parle de moi, je vous parle ...
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