Veillées poétiques et morales / par M. Baour-Lormian
PREMIERE VEILLEE
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astre des nuits se lève. à sa pâle lumière
tout change, se confond dans la nature entière ;
et mon oeil, entouré de prestiges divers,
voit dans l' ombre s' étendre un magique univers.
Ce rocher sourcilleux n' est plus un bloc informe ;
est un monstre, un géant d' une stature énorme.
Ces chênes, ces sapins, confusément épars,
en dômes arrondis, élevés en remparts,
d' une ville aux cent tours me retracent l' image.
Que le souffle des vents agite le feuillage,
il me semble aussitôt que de lointains accords
s' élèvent tristement sur la tombe des morts.
La superstition, qu' exalte le silence,
sur le mortel crédule à minuit se balance.
p270
enfant du nord, errant au sein des bois profonds,
des esprits lumineux, des sylphes vagabonds,
rois au sceptre de fleurs, à l' écharpe légère,
voit descendre du ciel la foule mensongère.
Dans la coupe d' un lis tout le jour enfermés,
et le soir, s' échappant par groupes embaumés,
aux rayons de la lune ils viennent en cadence
sur l' émail des gazons entrelacer leur danse ;
et de leurs blonds cheveux, dégagés de liens,
les zéphyrs font rouler les flots aériens.
ô surprise ! Bientôt dans la forêt antique
s' élève, se prolonge un palais fantastique,
immense, rayonnant du cristal le plus pur.
Tout le peuple lutin, sous ces parvis azur
vient déposer des luths, des roses pour trophées ;
vient marier ses pas aux pas brillants des fées,
et boire l' hydromel qui pétille dans l' or,
jusqu' à l' heure où du jour l' éclat douteux encor,
dissipant cette troupe inconstante et folâtre,
la ramène captive en sa prison albâtre.
Plus loin, au pied d' un mont obscurci de vapeurs,
sous le chêne Odin, les trois fatales ...
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