Joan Vinyoli
LE BÛCHERON
* * *
Je cherche la source, j'interroge
chaque chose, mais toujours
les bêtes du silence errent sans voix
autour de moi; et dans le sentier du bois
de la pensée stérile qui me mène
vers la nuit, au cœur des montagnes,
dur et solitaire, je me suis perdu.
Passe la tristesse dans les yeux
du bûcheron lassé,
chargé de branches, léger de songes,
qui ne trouvera plus les samedis
de plaine au sable du rivage
où les grappes rouges du couchant
invitent les marins à l'accostage.
Je ne connais plus d'autre grève
que la dernière, au fond du bois dressée,
haute paroi de roche sans appui.
Comme les monts je fais silence,
la voix s'est retournée en l'âpreté
et ses racines aux grandes profondeurs
n'aspirent que des eaux muettes.
Mais parfois, sur le sauvage rocher
hors du chemin, l'arbre de la parole,
vieux et desséché, murmure une légende.
De virginaux feuillages printaniers
emplissent le bois de l'énigme,
et le lion tout puissant tourne,
errante bête apprivoisée,
comme dans la fosse de Daniel.
Alors, saisi par les cheveux,
comme un ange emporté,
je m'élève tout à coup
et c'est un vol qui transfigure.
...
|
|
|
|
|
|