Segimon Serrallonga
AUBE DE FER
* * *
Núria, jonchée de sommeil
heureux face à cette douleur qui se fend
très lente
dans la substance massive, dans la joie d'être,
même morte, dureté de changement et dessein
de présence innocente,
me voici.
Je te signe, ma sœur de tête, tendresse qui pense,
et au piano, dans des minéraux concordants,
avec le bois et l'ivoire ordonnant les ombres
de l'esprit dans l'air qui est à nous.
Et comme la musique, tout
est à mesure que nous sommes.
Je ne sais rien d'autre que la force
humble, fervente, naturelle, la massive
pérennité de ces êtres
qui passent et nous touchent.
Mais le sommeil est bon
qui vainc les corps lassés et prépare l'esprit
à l'apparition universelle de l'aurore. Le pleur
pourrait encore nous redresser comme les jeunes éclats
des dieux de Sicile. Mais ne sens-tu pas
les montagnes verdoyer? Je suis au beau milieu
des plaines flamandes et j'entends
beugler les vaches cerdanes, jaillir
les fontaines réelles des Muixerons jusqu'à Gréixer,
comme la mer se soulève devant toute la Catalogne.
J'y suis plus réel qu'avec le corps qui me fait homme
sans hommes. Au bord du fleuve de mes parents
je revis tout entier, mais sans me perdre
d'un pouce: j'ai du fer et du granite et des rails,
fabriqués, ajustés et posés d'une main d'homme.
D'ici je me penche vers l'après-midi premier,
parmi les amis et le cristal, si réel, de la musique,
et vers les autres après-midi grandissants, et la mère
qui sert du pain à la tomate
pour un bonheur impromptu. Je suis là.
Et la vie est juste,
et elle ne doit pas revenir là où elle serait injustice
et ...
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