GUY DE MAUPASSANT
L'HOMME-FILLE
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Combien de fois entendons-nous dire : "Il est charmant cet homme, mais c'est une fille, une vraie fille."
On veut parler de l'homme-fille, la peste de notre pays.
Car nous sommes tous, en France, des hommes-filles, c'est-à-dire changeants, fantasques, innocemment perfides, sans suite dans les convictions ni dans la volonté, violents et faibles comme des femmes.
Mais le plus irritant des hommes-filles est assurément le Parisien et le boulevardier, dont les apparences d'intelligence sont plus marquées et qui assemble en lui, exagérés par son tempérament d'homme, toutes les séductions et tous les défauts des charmantes drôlesses.
Notre Chambre des députés est peuplée d'hommes-filles. Ils y forment le grand parti des opportunistes aimables qu'on pourrait appeler "les charmeurs". Ce sont ceux qui gouvernent avec des paroles douces et des promesses trompeuses, qui savent serrer les mains de façon à s'attacher les coeurs, dire "mon cher ami" d'une certaine manière délicate aux gens qu'ils connaissent le moins, changer d'opinion sans même s'en douter, s'exalter pour toute idée nouvelle, être sincères dans leurs croyances de girouettes, se laisser tromper comme ils trompent eux-mêmes, ne plus se souvenir le lendemain de ce qu'ils affirmaient la veille.
Les journaux sont pleins d'hommes-filles. C'est peut-être là qu'on en trouve le plus, mais c'est là aussi qu'ils sont le plus nécessaires. Il faut excepter quelques organes comme Les Débats ou La Gazette de France.
Certes, tout bon journaliste doit être un peu fille, c'est-à-dire aux ordres du public, souple à suivre inconsciemment les nuances de l'opinion courante, ondoyant et divers, sceptique et crédule, méchant et ...
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