BANDIT CORSE
Le chemin montait doucement au milieu de la forêt d'Aïtône. Les sapins démesurés élargissaient sur nos têtes une voûte gémissante, poussaient une sorte de plainte continue et triste, tandis qu'à droite comme à gauche leurs troncs minces et droits faisaient une sorte d'armée de tuyaux d'orgue d'où semblait sortir cette musique monotone du vent dans les cimes.
Au bout de trois heures de marche, la foule de ces longs fûts emmêlés s'éclaircit; de place en place, un pin-parasol gigantesque, séparé des autres, ouvert comme une ombrelle énorme, étalait son dôme d'un vert sombre; puis soudain nous atteignîmes les limites de la forêt, quelque cent mètres au-dessous du défilé qui conduit dans la sauvage vallée du Niolo.
Sur les deux sommets élancés qui dominent ce passage, quelques vieux arbres difformes semblent avoir monté péniblement, comme des éclaireurs partis devant la multitude tassée derrière. Nous étant retournés nous aperçûmes toute la forêt, étendue sous nous, pareille à une immense cuvette de verdure dont les bords, qui semblaient toucher au ciel, étaient faits de rochers nus l'enfermant de toutes parts.
On se remit en route, et dix minutes plus tard nous atteignîmes le défilé.
Alors j'aperçus un surprenant pays. Au delà d'une autre forêt, une vallée, mais une vallée comme je n'en avais jamais vu, une solitude de pierre longue de dix lieues, creusée entre des montagnes hautes de deux mille mètres et sans un champ, sans un arbre visible. C'est le Niolo, la patrie de la liberté corse, la citadelle inaccessible d'où jamais les envahisseurs n'ont pu chasser les montagnards.
Mon compagnon me dit:
- C'est aussi là que se sont réfugiés tous nos bandits.
Bientôt nous fûmes au fond de ce trou sauvage et d'une inimaginable beauté.
Pas une herbe, pas une plante: du granit, rien que du ...
|
|
|
|
|
|