PORTRAIT
Tiens, Milial! dit quelqu'un près de moi. Je regardai l'homme qu'on désignait, car depuis longtemps j'avais envie de connaître ce Don Juan.
Il n'était plus jeune. Les cheveux gris, d'un gris trouble, ressemblaient un peu à ces bonnets à poil dont se coiffent certains peuples du Nord, et sa barbe fine, assez longue, tombant sur la poitrine, avait aussi des airs de fourrure. Il causait avec une femme, penché vers elle, parlant à voix basse, en la regardant avec un oeil doux, plein d'hommages et de caresses.
Je savais sa vie, ou du moins ce qu'on en connaissait. Il avait été aimé follement, plusieurs fois, et des drames avaient eu lieu où son nom se trouvait mêlé. On parlait de lui comme d'un homme très séduisant, presque irrésistible. Lorsque j'interrogeais les femmes qui faisaient le plus son éloge, pour savoir d'où lui venait cette puissance, elles répondaient toujours, après avoir quelque temps cherché
- Je ne sais pas... c'est du charme.
Certes, il n'était pas beau. Il n'avait rien des élégances dont nous supposons doués les conquérants de coeurs féminins. Je me demandais, avec intérêt, où était cachée sa séduction. Dans l'esprit?... On ne m'avait jamais cité ses mots ni même célébré son intelligence... Dans le regard?... Peut-être... Ou dans la voix?... La voix de certains êtres a des grâces sensuelles, irrésistibles, la saveur des choses exquises à manger. on a faim de les entendre, et le son de leurs paroles pénètre en nous comme une friandise.
Un ami passait. Je lui demandai:
- Tu connais M. Milial?
- Oui.
- Présente-nous donc l'un à l'autre.
Une minute plus tard, nous échangions une poignée de main et nous causions entre deux portes. Ce qu'il disait était juste, agréable à entendre, sans contenir rien de supérieur. La voix en effet était belle, ...
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