DRAME VRAI
Le vrai peut quelquefois n'être pas vraisemblable.
Je disais l'autre jour, à cette place, que l'école littéraire d'hier se servait, pour ses romans, des aventures ou vérités exceptionnelles rencontrées dans l'existence; tandis que l'école actuelle, ne se préoccupant que de la vraisemblance, établit une sorte de moyenne, des événements ordinaires.
Voici qu'on me communique toute une histoire, arrivée, paraît-il, et qui semble inventée par quelque romancier populaire ou quelque dramatique en délire.
Elle est, en tout cas, saisissante, bien machinée et fort intéressante en son étrangeté.
Dans une propriété de campagne, mi-ferme et mi-château, vivait une famille possédant une fille courtisée par deux jeunes gens, les deux frères.
Ils appartenaient à une ancienne et bonne maison, et vivaient ensemble en une propriété voisine.
L'aîné fut préféré. Et le cadet, dont un amour tumultueux bouleversait le coeur, devint sombre, rêveur, errant. Il sortait des jours entiers ou bien s'enfermait en sa chambre, et lisait ou méditait.
Plus l'heure du mariage avançait, plus il devenait ombrageux.
Une semaine environ avant la date fixée, le fiancé, qui revenait un soir de sa visite quotidienne à la jeune fille, reçut un coup de fusil à bout portant, au coin d'un bois. Des paysans, qui le trouvèrent au jour levant, rapportèrent le corps à son logis. Son frère s'abîma dans un désespoir fougueux qui dura deux ans. On crut même qu'il se ferait prêtre ou qu'il se tuerait.
Au bout de ces deux années de désespoir, il épousa la fiancée de son frère.
Cependant on n'avait pas trouvé le meurtrier. Aucune trace certaine n'existait; et le seul objet révélateur était un morceau de papier presque brûlé, noir de poudre, ayant servi de bourre au fusil de l'assassin. Sur ce lambeau de papier, quelques vers étaient imprimés, la fin d'une chanson, ...
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